Coup de coeur, Editions Ravet-Anceau, Français, Non classé, Polar, Polar/thriller français

Jacks – Benoît Chavaneau

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Grand bien me fait de partir à la découverte d’auteurs moins connus du grand public, parce que je fais de sacrément belles découvertes! Je m’étais promis de rester polie dans ma chronique, parce que zut alors, il y a un certain savoir-être anglais à respecter dans sa chronique quand on vient de terminer un livre qui se déroule au pays de Sa Majesté, mais je n’ai qu’une seule expression en tête pour vous donner envie de lire la suite de la chronique et surtout de découvrir ce livre, c’est : « Putain mais quel livre! »

Cette fois, c’est à Londres que je vous emmène découvrir Jacks, de Benoît Chavaneau, paru aux éditions Ravet-Anceau en septembre 2016.

 

L’histoire

Londres, de nos jours, première partie : un corps est retrouvé démembré dans un sac poubelle sur les bords de la Tamise, en plein cœur de la ville. Sur place, l’inspecteur Shelley rencontre Marie Altbauer, une jeune française étudiante en martyrologie. L’ambiance est électrique, l’inspecteur Shelley est à lui seul la parfaite caricature du vieux flic anglais blasé de tout, rigide comme une tige de bambou et peu enclin à offrir un accueil cordial à Marie. Rapidement, d’autres corps sont retrouvés, toujours en plusieurs morceaux, toujours en plein cœur de la ville. Rares sont les indices laissés sur place, aucun témoin ne se manifeste et l’enquête semble aboutir à une impasse. Les médias commencent à mettre leur nez dans l’affaire, le légiste aboutit à chaque fois à la même conclusion, les victimes ont été démembrées… Vivantes!

Londres, de nos jours, deuxième partie : alors qu’on ne s’y attend pas, clap de fin pour la première partie. Nous faisons alors la connaissance de Rachel Porter, flic célibataire et maman d’une jeune ado. Rachel est appelée sur les lieux d’un crime dans les Stables, le célèbre marché londonien situé en plein cœur du quartier très rock de Camden Town. La jeune femme est une punk dans la plus pure tradition, s’adonnant régulièrement à la prostitution pour boucler des fins de mois difficiles. Elle est retrouvée égorgée, les viscères à l’air, et a été poignardée de 39 coups de couteau. L’enquête piétine, toujours aucun suspect alors que les meurtres se multiplient suivant le même mode opératoire, avec le même degré de violence et de bestialité, dans le même quartier branché de la capitale anglaise.

Les meurtres ne sont pas sans rappeler ceux d’un célèbre assassin, l’ombre de Jack l’Eventreur plane au-dessus de la capitale anglaise.

Un thriller culturellement riche

Quand j’ai lu la biographie de l’auteur Benoît Chavaneau et que j’ai vu qu’il était enseignant en littérature, je me suis dit « soit ça passe, soit ça casse« . Sans m’étaler sur ma petite personne, j’ai suivi des études supérieures littéraires, j’en suis sortie profondément écœurée, moi l’amoureuse des belles Lettres, écœurée par cet espèce d’élitisme, par ces enseignants obtus capables de juger des genres comme le polar et le thriller comme des sous-genres, et dans le même sens de dénigrer leurs lecteurs en les traitant comme des sous-lecteurs incapables d’apprécier la profondeur de la littérature.

Ici, l’écriture et la mise en forme priment sur le contenu. On n’est pas dans le vulgaire meurtre barbare sanguinolent qui en met plein la vue; il y a une profondeur des mots, des expressions, il y a un important travail sur l’écriture en tant qu’art, en tant qu’esthétique, les phrases et les tournures sont travaillées, elles sont riches en vocabulaire sans pour autant avoir l’impression de lire un ouvrage inabordable accessible uniquement aux personnes les plus cultivées. Il y a une alternance de narration romanesque (qui constitue la majorité du livre), avec de très courts extraits de journaux, ou avec des passages écrits à la manière d’une pièce de théâtre. C’est un peu déroutant au départ, le temps que notre cerveau trouve sa gymnastique, mais cela en fait un livre riche, dense, d’autant plus que les références historiques sont nombreuses. On le lit peut-être un peu moins vite qu’un autre thriller car il faut que notre esprit emmagasine toutes ces informations. Encore une fois, pas de panique amis lecteurs ! tout ceci est fait de manière subtile, sans que vous n’ayez l’impression d’assister à un cours d’histoire.

Le thème de la torture est largement abordé, surtout dans la première partie grâce au personnage de Marie. On apprend que la torture est hautement symbolique, et qu’on ne torture pas de la même manière la prostituée du coin de la rue comme on torture un voleur ou une personne qui représente une institution. Le travail de recherche est très important et j’ai juste envie de dire que ça fait du bien d’avoir un auteur qui ne repose pas le succès de son livre uniquement sur l’histoire qu’il a en tête, aussi complexe soit-elle.

Question de style

La lecture est également agréable grâce à la personnalité des personnages. Mis à part Shelley qui est un personnage assez dédaigneux et peu attachant, j’ai trouvé que les deux personnages féminins, Marie la martyrologue et Rachel l’inspectrice, apportaient une bouffée d’air frais au récit assez noir, grâce à leur pugnacité et à leur humour en toute circonstance.

Le rythme de l’histoire est nerveux, ne laissant que peu de répit aux lecteurs face aux très nombreux meurtres qui jalonnent les quelques 350 pages du livre. Certains crimes sont décrits de manière assez explicite ce qui n’est pas pour me déplaire, lectrice barbare que je suis! Je n’aime pas moi qu’on me cache des choses, pour préserver mon âme sensible. Quand je lis un thriller, je veux tout voir, je veux assister aux meurtres, aux autopsies, je veux des détails, du croustillant, de dégoûtant même! Que les âmes sensibles se rassurent, on est loin du roman gore qui vous fera vomir, et l’extrait que je vous poste en photo n’est pas la norme de ce livre, on n’a pas ce genre de scènes à toutes les pages et si vous êtes un temps soit peu fragile, vous pouvez sauter quelques lignes pour éviter les détails sanglants.

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Jack The Ripper

L’histoire de Jack l’Eventreur est un peu le fil rouge du livre. Je craignais un peu de retrouver un livre comme celui de Patricia Cornwell que j’ai lu plus jeune et qui est cité à de nombreuses reprises dans le livre, cherchant à résoudre le mystère qui entoure l’identité du célèbre assassin.

Des extraits fictifs du journal de l’assassin nous sont dévoilés, et nous permettent de comprendre le lien entre cette série de meurtres qui a eu lieu fin du 19è siècle, aux meurtres qui se sont produits à notre époque.

Le mot de la fin

Avec Jacks, on est dans la belle littérature, et l’auteur nous prouve qu’il est possible de faire d’un thriller un livre d’une grande qualité littéraire. On reste néanmoins sur un vrai thriller, respectant tous les codes du genre : enquête policière, traque, meurtres, rebondissements, focale sur les enquêteurs…

Je remercie chaleureusement Benoît Chavaneau de m’avoir proposé la lecture de son livre, malgré les craintes qu’il ressentait à l’idée de mon jugement impitoyable = )

Je recommande chaudement ce qui s’apparente à un gros coup de cœur !

 

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