Editions Lucien Souny, Non classé

Woorara – Sébastien Vidal

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C’est grâce à l’opération Masse Critique qui a lieu régulièrement sur Babelio que j’ai pu découvrir Woorara de Sébastien Vidal. J’avais prévu de le lire à court terme, voilà qui tombait bien! Fortement intriguée par le titre, j’ai découvert un thriller rural, loin de l’agitation qui règne dans les polars qui se situent en ville ou en banlieue.

Et quel meilleur endroit que le fin fond de la France pour enterrer ses secrets et essayer de changer de vie ?

 

L’histoire

Plateau des Millevaches, Corrèze. Un contrôle routier qui tourne mal, un cadavre retrouvé quelques heures plus tard criblé de balles, ça fait beaucoup en l’espace d’une soirée pour cette région française relativement calme ! Pas de suspect, pas de mobile apparent, rien dans la vie de la victime qui aurait laissé penser qu’elle finirait sa vie comme ça. L’enquête est confiée à la gendarmerie locale, plus habituée aux contrôles routiers et à la surveillance des manifestations locales qu’à des meurtres de sang. On fait alors la connaissance de l’adjudant Walt et de son équipe, chargés de l’enquête. Pendant que les enquêteurs cherchent vainement des pistes, un second corps est retrouvé, l’homme est mort dans les mêmes circonstances. En essayant de jongler entre le pugnace juge Laîné, le colonel corse Tognotti, les médias qui se montrent de plus en plus pressants, et ses hormones au beau fixe, Walt devra faire la lumière sur cette mystérieuse affaire qui ressemble à un règlement de compte.

– Woorara. Kézako?

Et bien c’est le troisième livre écrit de Sébastien Vidal.

– Oui, mais ça veut dire quoi, Woorara?

L’auteur nous apprend que « c’est une plante qui intervient dans la fabrication d’un anesthésiant et d’un poison… Comme la vengeance »

 – Vous voyez un peu où je veux vous emmener?

Sur les traces d’un meurtrier qui agit sous le coup de la colère, en proie à un besoin profond de vengeance, si profond qu’il annihile tout le reste. Son seul but, c’est de réduire à néant ceux qui ont brisé sa vie, quoi que ça lui en coûte et peu importe le temps que ça prendra parce qu’il est persuadé qu’il ne trouvera la paix qu’après avoir fait sauter le caisson des personnes qu’il juge responsables des malheurs qui lui sont arrivés…

Une critique de la société

C’est une première pour moi, je n’avais jamais lu une histoire centrée sur un peloton de gendarmerie et non sur une équipe de policiers. Cela peut paraître inutile de faire la distinction entre les deux, et pourtant ne nous y trompons pas, les deux institutions des forces de l’ordre ont de grosses différences dans leur statut, et donc dans le traitement différent qu’ils font au niveau d’une enquête. Les gendarmes sont des militaires, ce qui implique un uniforme, histoire qu’ils soient tous formatés de la même manière, une formation spéciale et relativement poussée, et surtout un état d’esprit bien particulier qui lie les militaires entre eux. Ils vivent en caserne dans ce qui ressemble parfois à un vase clos, ils se connaissent tous plus ou moins bien, se sont croisés lors de leurs multiples mutations… Un véritable microcosme au beau milieu de la société civile…

Sébastien Vidal met en lumière les différents aspects de la vie quotidienne de ces militaires, en décortiquant l’univers dans lequel ils évoluent : leurs habitudes, les aléas de leur métier, l’explosion de la cellule familiale parce que le conjoint en a ras le bol et a claqué la porte, la fatigue liée aux 36h passées sans dormir parce qu’ils sont mobilisables à n’importe quelle heure jour et de la nuit en fonction du degré d’urgence de la situation. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai autant apprécié ce livre – malgré les quelques points négatifs dont je vous parlerai ensuite – parce que Woorara est un vrai polar (je crois pas que le terme « gendarmar » existe? 😀 ) et qu’on est propulsé au sein même de l’enquête. On est en quelque sorte un lecteur omniscient, on voit d’un côté l’avancée de l’enquête, on subit en même temps que les enquêteurs lorsqu’elle piétine, on se plaît à être dans la confidence de cette cellule de crise, et parfois on est aussi au côté de l’assassin, lorsqu’il prépare ses meurtres, ou lorsqu’il remet, parfois, ses choix en question.

Sébastien Vidal se livre à une critique acerbe de la société et de la justice, pointe du doigt les désagréments d’une vie rurale, où les problèmes sont oubliés par les médias et par le reste de la France, tous étant trop concentrés sur les problèmes des banlieues bien plus visibles. Je vis à la campagne et je comprends parfaitement son point de vue qui ne manque pas d’objectivité. Sa plume est dense, les détails sont relativement nombreux, le niveau d’écriture est riche et contraste parfois avec le vocabulaire et les expressions grivoises de certains personnages. Cela donne des personnages profondément humains, foncièrement réalistes. Ici, pas de véritable héros, ils forment un tout, une petite communauté où chacun a à apporter quelque chose de différent au lecteur.

Le point négatif, parce que quand il y en a, il faut le dire, et que j’ai trouvé que par moment l’intrigue tirait un peu en longueur.  L’enquête est relativement lente à démarrer dans un premier temps, mais je me suis accrochée parce que je me suis sentie intéressée par le développement sur l’univers des gendarmes qui était fait. Et puis le second meurtre, et là tout s’accélère et je suis vraiment dans un récit qui me laisse peu de répit.

Le mot de la fin

Belle découverte pour le premier livre que j’ai lu de cet auteur. Ce que je préfère, dans mes lectures, c’est le polar, le vrai, et j’ai retrouvé ce qui fait que j’apprécie ce genre un peu plus que les autres. Même si j’ai éprouvé quelques longueurs par moment, mon ressenti est positif sur ce livre et je vous le recommande!

Je remercie par ailleurs Babelio ainsi que les Editions Lucien Souny Plumes noires qui m’ont permis de découvrir ce livre.

 

 

 

 

11 réflexions au sujet de “Woorara – Sébastien Vidal”

  1. Encore les Millevaches! Après Frank Bouysse et Séverine Chevalier, encore un auteur qui situe son polar sur ce plateau! Cette terre rude et austère les inspire vraiment… 🙂
    Je tâcherai de lui trouver une place dans mes lectures à venir…

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    1. Bonsoir Vincent, si je peux m’immiscer dans la discussion, j’ajouterais que Franck Bouysse possède une plume époustouflante, Séverine Chevalier patiente dans ma PAL, mais il ne faut pas oublier Antonin Varenne qui a placé son excellentissime « Battues » dans le secteur de Millevaches aussi (mais côté Creuse), et Patrick Dewdney dont le sublissime « Crocs » se déroule également sur le « Plateau » (un putain de bouquin !!!). Tous sont des auteurs de La manufacture de livres. Le Plateau est mystérieux et sauvage, parfois inquiétant, tantôt docile, il conserve toujours son énigme et diffuse son énergie vitale dans les anfractuosités de son être. Cet endroit reste attirant pour celui qui l’arpente, il exhale des molécules subtiles et rares, quelque chose palpite sous cette terre rude et si on s’y arrête et qu’on sait observer et écouter, on le ressent. Et soudain, c’est la grosse émotion qui déferle.

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      1. ça m’intéresse beaucoup, je vie à la campagne, et ça change de lire des thrillers « ruraux ». J’aime beaucoup découvrir de nouveaux auteurs qui me font sortir de mon carcan des auteurs connus que je lis… Du coup je note les noms, merci 🙂

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      2. Je te rejoins sur ton appréciation de Franck Bouysse dont je me suis régalé de Grossir le ciel, Plateau et Oymort. J’ai aussi lu le Clouer l’Ouest de Séverine Chevalier que j’ai trouvé très bon. Les autres titres que tu cites n’ont pas eu le bonheur de passer entre mes mains…
        Et c’est vrai, ces terres un peu désolées ont quelque chose de magique, comme certains endroits du Larzac ou des Cévennes…

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  2. Oui belle découverte pour moi aussi ! Comme toi j’ai aimé l’équipe de gendarmes, j’ai aussi aimé le décor, ce plateau de Millevaches et ses espaces et ses rares habitants …
    Pour moi le fait que ça se mettre en place tranquillement ça n’a pas été un problème, non au contraire, j’ai aimé cette mise en place de l’intrigue et des protagonistes ! Et comme toi, c’est le premier que je lisais de l’auteur.
    merci pour ce beau retour Anaïs !

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