Ecossais, Editions Babel Noir

L’île des chasseurs d’oiseaux – Peter May

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En ce moment, mes lectures forment une sorte de vase communiquant : j’ai lu Deux gouttes d’eau de Jacques Expert sur le thème de la gémellité, j’ai poursuivi avec un livre du même thème qui se déroule en Ecosse et qui est Le doute de S.K. Tremayne, et puis du coup j’ai continué dans les thrillers écossais en entamant la trilogie de Lewis de Peter May, dont on m’a beaucoup parlé !

 C’est donc avec un enthousiasme certain que j’ai commencé cette lecture, ma tête encore en Ecosse grâce à ma précédente lecture et à mon voyage là-bas il y a 2 mois !

 Je vous parle aujourd’hui de L’île des chasseurs d’oiseaux de Peter May, premier tome de la trilogie de Lewis, paru aux Editions Babel Noir.


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 L’histoire

 Marqué par la mort récente de son fils unique, l’inspecteur Fin Macleod est envoyé sur son île natale de Lewis car un meurtre vient d’y être commis selon la même mise en scène que celui sur lequel il enquête à Edimbourg.

 La tempétueuse île de Lewis, au nord de l’Ecosse, semble sortie d’un autre temps : on se chauffe à la tourbe, on pratique le sabbat chrétien, on parle la langue gaélique. D’autres traditions particulières y perdurent, comme cette expédition organisée chaque été, qui conduit un groupe d’hommes sur l’îlot rocheux inhospitalier d’An Sgeir où ils tuent des milliers d’oiseaux nicheurs destiné à la consommation.

 Dix-huit ans auparavant, Fin a participé à ce périlleux voyage initiatique. Il a ensuite quitté l’île et n’y est jamais revenu. Retourner là-bas, c’est retrouver un ami d’enfance, un premier amour, quelques camarades d’école de sinistre mémoire ; c’est surtout prendre le risque de laisser surgir les souvenirs, de découvrir à quel point on n’a rien oublié…

Atmosphère, atmosphère !

S’il y a bien un dénominateur commun entre mes deux dernières lectures écossaises, c’est l’incroyable atmosphère que les auteurs ont réussi à créer !

Peter May nous emmène sur l’île de Lewis, perdue au milieu de l’Atlantique nord, un petit bout de caillou au climat rude, balayée par des vents tempétueux, entourée d’une mer glaciale déchaînée ; c’est une île isolée et où les habitants se connaissent presque tous, chauffent encore à la tourbe et pratiquent toujours, entre hommes, une chasse ancestrale et très bestiale sur un îlot inhospitalier, celle des gugas, une espèce d’oisillons qui sont massacrés lors d’une sorte de chasse rituelle chaque année. C’est une île qui semble s’être arrêté d’évoluer depuis plusieurs décennies, d’ailleurs la majorité des gens qui y ont grandi y sont encore, se marient entre eux, etc.

J’ai retrouvé avec cet auteur le ressenti que j’ai eu en découvrant l’auteur islandais Arnaldur Indridason il y a trois ans, et qui, grâce à ses polars très immersifs, m’a littéralement conquise au sujet de son pays ! Je n’avais, jusqu’à Peter May, connu aucun autre auteur capable de personnifier à ce point un paysage, devenant ainsi une sorte de personnage ou témoin immatériel, faisant partie intégrante de l’intrigue. J’ai rarement connu un auteur capable d’ancrer une histoire à ce point dans un décor, de créer une atmosphère qui nous plonge au cœur même d’un pays qu’on ne connaît pas, qui le décrit de telle manière et avec telle certaine poésie qu’on est irrémédiablement attiré par lui. La nature et les paysages sont au cœur de l’ouvrage, l’auteur joue avec les éléments climatiques et avec la rudesse du pays pour bousculer ses personnages au gré des conditions climatiques.

Parlons de l’intrigue

Ne vous attendez pas à un polar avec un suspens d’enfer et des rebondissements à chaque chapitre ! Ici, on est plutôt dans le schéma du polar nordique, celui qui prend son temps, qui installe lentement une intrigue mêlant passé et présent, un thriller sans arme, ni course-poursuite, ni même enquête très poussée d’ailleurs. Je dirais que par moment, dans ce livre, l’intrigue policière en deviendrait presque secondaire, tant le décor, les traditions et la vie quotidienne des personnages de cette petite communauté prennent de la place dans le récit.  Nous restons tout de même dans un thriller ténébreux mais l’enquête policière n’est pas l’élément central du livre. L’auteur se plait à disséminer par-ci par-là un soupçon d’indices nous permettant de comprendre rapidement qu’il s’est passé des choses terribles que les habitants et l’inspecteur Fin auraient bien voulu laisser très loin dans le passé, mais qui, forcément, leur reviendront en pleine face tel un boomerang.

Les personnages sont relativement travaillés sur le plan émotionnel, nous suivons forcément Fin, mais aussi d’autres personnages secondaires qui ont fait partie de sa vie lorsqu’il était plus jeune, et qui se greffent à son enquête, avec son lot de sentiments refoulés, de rancœurs ou encore de regrets. Inexorablement, ce sont tous les souvenirs du passé, y compris les moins bons, qui reviennent à la surface.

L’auteur, au gré des chapitres, nous situe soit au moment de l’intrigue, soit dans le passé où Fin et les autres protagonistes étaient une bande de copains, alternant les passages narratifs à la troisième personne et les passages plus personnels qui sont écrits à la première personne.

A nouveau, j’ai ressenti une sorte d’huis-clos à échelle insulaire, et moi j’aime les huis-clos parce qu’on se sent complètement prise dans l’histoire.

Le mot de la fin

Peter May a parfaitement réussi à retranscrire aussi bien le charme que la rudesse de la vie de ce pays, et mon cœur de voyageuse a été littéralement transporté jusqu’à cette lointaine île des Hébrides, et il est certain que j’irai un jour la découvrir malgré le fait que je sois déjà allée en Ecosse!

J’aime beaucoup quand un auteur met en corrélation une intrigue sombre avec un climat austère, car ça plonge le lecteur dans une espèce de bulle et l’isole de la réalité pour l’inclure totalement dans l’intrigue. Il règne dans ce livre une certaine mélancolie, sentiment propre aux thrillers nordiques, et forcément, le climat n’aide pas !

Une très belle découverte pour moi, Peter May parle magnifiquement bien de son pays, et il a su toucher mes deux points sensibles : la lecture et les voyages.

Ce livre étant le premier d’une trilogie, pas de doute que les deux autres vont suivre très rapidement !

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12 réflexions au sujet de “L’île des chasseurs d’oiseaux – Peter May”

  1. Absolument d’accord : dans ce livre (et dans les deux autres de la trilogie, et dans l’Île du Serment, du même Peter May), le paysage est un personnage à part entière, et l’énigme à résoudre devient parfois presque accessoire (si j’osais : c’est l’énigme qui devient le paysage, presque). Juste, pour insister : pour moi, ce livre est autant une réflexion sur l’impossibilité de la fuite : Fin, qui a quitté l’île de Lewis en espérant laisser derrière lui son enfance y est ramené par le destin. Et, là, il ne s’agit plus de fuir : on sent bien que, s’il n’affronte pas son passé, et même ses passés (son passé d’îlien et toutes ces histoires laissées en suspens, mais également son mariage en train de se dissoudre après la mort du fils), il ne s’en relèvera pas…

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